Gil Graff

Le lundi 22 Novembre une Graff de retour au camp Joffre par génération interposée

Le lundi 22 Novembre une Graff de retour au camp Joffre par génération interposée… via le Mémorial de Rivesaltes et grâce à l’association Occitanie Livre &Lecture.

Je l’avais déjà mentionné lorsque que j’avais eu le prix Vendémiaire aux vendanges littéraires de Rivesaltes pour « Personne ne parlera de nous lorsque nous serons morts » : mes grands-parents Graff et leurs six enfants dont ma mère, ont été internés au camp de rivesaltes de février à novembre 1942 (avec quelques allers-retours au camp du Barcarès) puis envoyés au camp de nomades de Saliers d’où ils seront libérés en juin 43.

Si je connais les alentours du camp Joffre je n’ai jamais visité le Mémorial. Je ne me faisais pas à l’idée d’acquérir un billet pour y aller...  

Et puis dernièrement arrive ce mail  inattendu de Cécile de l’association Occitanie Livre & Lecture qui me propose d’animer deux ateliers d’écriture avec des lycéens au Mémorial de Rivesaltes le 22 novembre.

Je vais donc enfin entrer dans ce Mémorial avec un bon prétexte, je l’admets, j’en suis très contente.

J’aime assez lorsque le hasard fait bien les choses.


Les autres...

 

Il y a une chose que j’ai rarement confié, l’âge venant je me lâche, autant être honnête et dire les choses : j’ai du mal avec « les gens ».

 

J’ai longtemps cru que c’était pour tout le monde pareil, mais parait que non… Par exemple quand on m’interpelle alors que je suis dans ma bulle, ça me fait mal sous la peau. C’est une réaction étrange, une sorte d’ulcération généralisée, ça se tord sous mon derme comme si tous mes nerfs vrillaient. Ce n’est pas à confondre avec un banal agacement, c’est une réelle douleur, vive, au point de serrer les dents en attendant que ça passe.

 

Et il n’y a pas que lorsqu’on me parle, parfois il me suffit seulement d’entendre soudain « l’autre » quel qu’il soit, simplement respirer trop fort pour que tout en moi se hérisse douloureusement.

 

Avant le Covid il y avait une mode que je ne cessais  d’esquiver, la putain de caresse dans le dos au moment de se quitter. Déjà que faire la bise me gonfle il fallait aussi parfois encaisser le « chaleureux » frotti frotta dans le dos censé communiquer la bienveillante amitié de l’autre humain. Arf !

 

Et je m'abstiens de répondre à ces mots qui ont le don de m’énerver : Prends bien soin de toi !  A Chaque fois je me représente au sortir du bain en peignoir, vulnérable, en train de me faire un masque de beauté… Mais de quoi il se mêle l’autre con ou l’autre conne pour me dire d’aller me laver et me faire un gommage ? ! Prends bien soin de toi… Je n’arrive pas à saisir le sens de ce message, je le trouve limite intrusif…

 

Je suis souvent mal coiffée, les cheveux trop longs pour avoir une coupe définie qu’il suffit de retaper.  Aller chez le coiffeur m’angoisse… En plus il faut prendre rendez-vous. L’enfer, pendant plusieurs jours  je me dois me préparer à ce qu’on me touche et qu’on me parle. Ce que je voudrais c’est qu’on me coupe les cheveux quand j’en ai le courage, lorsque que je me sens prête enfin à m’engouffrer dans un salon avec des inconnus et que je dise « allez-y bordel ! Coupez-moi les cheveux et qu’on en finisse ! Ben non, faut prendre rendez-vous… Pour abréger le supplice, la plupart du temps je ressors les cheveux mouillés avec une coupe qui ne me plait pas parce que tétanisée par l’anxiété je n’ai pas su(pu) expliquer ce que je voulais…  

 

Je suis invitée en mai au salon du livre de Limoges à l’occasion de la réédition de « Personne ne parlera de nous lorsque nous serons morts » Au Diable Vauvert (enfin ! Chic !) Je suis contente… Mais lorsque j’ai annoncé ça à un ami, sa première réaction a été de me dire en regardant ma trop longue tignasse ébouriffée par la tramontane : d’ici là tu as le temps d’aller chez le coiffeur…

 

Il va falloir que je prenne rendez-vous…

 

Quand ça veut pas, ça veut pas, mieux vaut en rire...

Le 16 décembre 2018, j’ai été réveillée à 6 heures par un sms. Il provenait de l’EDITRICE !  (voir l’article du mars 2016). Et là, je lis encore ensommeillée (j’écris la nuit): que la dame pense à moi parce qu’elle fait du rangement dans son bureau et qu’elle vient de tomber sur mon livre « requiem… » et qu’elle se demande si je n’ai pas un manuscrit à lui envoyer car elle aimerait bien le lire.  

J’ai pris le temps de boire un café et j’ai relu le message, plusieurs fois. Le problème : des manuscrits (histoires plutôt) en cours j’en ai plusieurs, je les abandonne, les relis, les reprends, bref, j’écris comme une  qui prend son temps, une…. Dilettante je suis, dilettante je reste.

Bon, quoi lui annoncer à la dame ? La vérité, c’est plus simple. Donc je lui réponds que j’ai plusieurs histoires en cours mais rien d’abouti, mais « Personne ne parlera de nous lorsque nous serons morts » m’est régulièrement demandé surtout que nous allons passer en 2019 et qu’il va y avoir l’anniversaire de la retirada février 39…. Donc peut-être une réédition avec une vraie diffusion nationale ?

J’envoie mon sms le cœur battant.

La réponse de la dame » : oui je suis intéressée, peut-être en grand format en mai ? Mais trop tard pour les commémorations, mais parlons-en, et le jeunesse aussi (c’était pour Concerto pour l’abattoir) parlons-nous…

Ben tu parles que j’ai envie de lui causer, mais je me tempère.

La dame m’indique les jours où elle est trop occupée et propose, pourquoi pas ? après les vacances de Noël.

J’essaie, tant que faire se peut, ne pas être une emmerdeuse, je diffère donc et lui dis, que c’est d’accord, nous verrons ça à la rentrée.

Si j’étais contente ? J’étais carrément sur un nuage, la vie était belle, tout allait bien, je pouvais me remettre à écrire plus assidûment, j’avais des perspectives de publications dans cette maison d'édition qui me fait rêver depuis presque vingt ans. J’ai eu un merveilleux Noël.

Et puis, je ne sais pas pourquoi le 26 décembre j’ai commencé à psychoter, et si la dame changeait d’avis ? Et si en fait rien ne se passait ? Putain de doutes qui m’assaillaient. Des doutes ou un pressentiment ?

J’ai attendu un message voire un coup de fil jusqu’au 7 janvier jour de la rentrée des classes. A dix-huit heures, je suis allée dans ma voiture pour l'appeler, je ne voulais pas être assommée chez moi. J’ai eu la dame, elle trouvait que l’enregistrement pdf de mon texte était trop petit et lui pétait les yeux…. Qu’il y avait quelques longueurs, que c’était dense…

—Heu, mais, ça te plait au moins ?

—Oui oui, c’est un livre de fond, faut voir, je vais demander aux commerciaux ce qu’ils en pensent…. Je réfléchis….

Mon cœur s’est arrêté.

Je devais la rappeler, lui dire les dates des commémorations, mais ici la retirada c’est tous les ans qu’on se souvient de février 1939…

J’ai rappelé, j’ai causé au répondeur.

En mai, je lui ai téléphoné pour savoir si je devais répondre à la région que je n’aurai aucune publication pour 2019, à nouveau après les sonneries d’usage (j’imagine Gil Graff qui s’inscrit sur on téléphone) je dépose ma demande sur son répondeur….

J’ai compris que je devais passer à autre chose, c’était violent, cruel même, puisque je n’en mourrais pas j’allais donc devenir plus forte( je vais finir par devenir  super baléze).

Le lundi 1er juillet je suis en route pour le rucher, j’ai des soucis avec les frelons asiatiques, il fait une chaleur à crever, bref ! J’ai la tête dans mes abeilles. Je reçois un appel téléphonique d’une dame âgée. Elle tient à me parler car elle a lu « Personne ne parlera de nous… » que lui a refilé un producteur de cinéma de ses amis.  J’écoute les louanges, elle est tellement enthousiaste que j’en ai les larmes aux yeux. Elle me demande si le roman (elle avait lu la version pdf qu’elle avait imprimée) va être réédité, qu’elle est âgée certes mais qu’elle se nourrit de projet et que si le livre venait à reparaitre, elle tenterait un scénario. Bon je lui raconte ma mésaventure (désenchantement) et elle me demande le numéro de téléphone de la dame. Je lui donne et j’essaie d’oublier, les faux espoirs me laminent.

Véra, oui, Véra Belmont, me recontacte quelques jours après. Elle est contente et me demande si je le suis aussi, si « la dame » m’a bien appelée comme elle lui a promis. Je lui ai dit la vérité : non, je n’ai eu aucun contact. Je sens Véra agacée, du coup, elle me confie que la dame lui a proposé d’autres livres à mettre en lumière…

C’est quoi ? C’est karmique mon truc ? Je ne comprends pas ce que je paye, peut-être dans une vie antérieure j’ai gaffé ?  

Arf ! Tant pis, j’y ai cru… 2020 arrive…. et, pour moi, une nouvelle vie avant l’effondrement.