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Gil Graff
4 juin 2015

Se broyer "la houppe", j'avoue c'est très douloureux, mais j'ai appris ce qu'était la houppe en dehors d'une méche de cheveux.

Pourtant tout avait bien commencé...  tout est prêt, les sacs de chaux de sable et de ciment sont là, bien décolletés, et d’un coup avant de me lancer à remplir la bétonnière je me dis que le linteau de béton posé contre le mur va me gêner car je suis optimiste et je suis certaine que je vais rejointer plus de deux mètres carrés de mur en cette belle après midi. Cela pèse lourd un linteau, alors je le fais pivoter  afin de le pousser.  Je pensais être concentrée et pourtant... Lorsque j’ai lâché le linteau, mon index de la main gauche  est   nonchalamment  resté entre le mur de pierre et la lourde plaque de béton hérissée de ferraille. J’avais des gants de travail mais la douleur a explosé dans mon doigts, j’ai senti l’ongle craquer  (ce n’était pas que l’ongle) et la douleur s’est répandue jusqu’à mon foie, mon bide, mes entrailles.  J’en ai eu le souffle coupé et pourtant je m’entends encore jurer  «  mais quel con ! ».

J’ai inspiré et expiré profondément en me disant que mon doigt protégé par mon gant allait avoir l’ongle tout bleu et que ce ne serait pas beau et que cela ferait mal les prochains jours.

Je ne comprenais pas que la douleur ne passe pas plus vite et je commençais à avoir des petits papillons devant les yeux et comme une distanciation des bruits environnants, pour me distraire j’ai entrepris de peaufiner (de la main droite) le nettoyage des joints entre les moellons. Bientôt j’ai senti une humidité inquiétante à l’intérieur du gant : je berçais doucement ma main gauche . Je me suis décidé à ignorer l’effrayante pulsation qui me donnait l’impression que le bout de mon doigt vivait sa propre vie.  J’ai tiré doucement ma protection de cuir afin de constater  les dégâts, pour ce faire j’ai levé la main et le sang libéré de sa gangue a ruisselé sur mon poignet.

 Je suis restée toute bête devant le spectacle de mon doigt proprement écrabouillé, j’étais pantoise à la vue de cette déchirure franche de la pulpe et je n’arrivais pas à réaliser ce qu’étaient ses petits machin blancs que je distinguais au milieu de la chair écrasée. Des miettes d’os…  J’ai donc appris un nouveau mot, la dernière phalange du doigt se nomme « la houppe ».

Fracture ouverte, trois points de suture… Je me dis que peu de gens ont un aperçu de ce que sera plus tard les petits os blancs de leurs doigts à l’état de squelette. Moi, j’ai vu. Dès que je ferme les yeux je revois ces fragiles esquilles et je me fais peur en me disant que dans un réflexe enfantin j’aurai pu sucer mes propres os.

J"aime  mettre bien ce genre de détail dans mes romans.... Mais là, c'est la vraie vie, la mienne.

 

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